Cette tribune a été écrite par Virginie Calmels, présidente-fondatrice de DroiteLib’ et Première adjointe au Maire de Bordeaux. Tribune publiée dans Les Echos le 28 octobre 2016. 

L’intelligence artificielle constitue un motif d’espoir

Et si une partie de la solution était déjà sous nos yeux ? Le contraste est saisissant : à l’heure où ­Alstom sombre irrémédiablement , son grand rival allemand Siemens continue d’équiper des trains qui, eux, arrivent toujours à l’heure. Cette réussite, le groupe ne la doit pas au hasard mais à son utilisation fructueuse de l’intelligence artificielle.

Souvent mal-aimée en France, elle n’en constitue pas moins un grand sujet dont notre personnel politique de droite comme de gauche doit se saisir. A l’heure où nous nous plaignons du déclassement de notre économie, cette technologie constitue, à mes yeux, un motif d’espoir, comme en témoignent la récente installation – par Facebook – d’un grand laboratoire dédié à l’intelligence artificielle à Paris ou les « success-stories » à la française que sont Moodstocks, Snips, Cogniteev et tant d’autres.

De manière générale, j’ai la conviction que l’intelligence artificielle améliorera et facilitera la vie de chaque Français. Je pense notamment à la santé, thème qui nous concerne tous, où la start-up américaine Enlitic, basée à San Francisco, utilise déjà l’IA pour détecter la présence d’un cancer chez un patient. Le résultat est probant : son algorithme obtient des résultats 50 % meilleurs que ceux des radiologues experts dans la détection des tumeurs cancéreuses. J’ai également en tête la situation plus délicate de la justice, puisque l’intelligence artificielle constitue une véritable alternative alors que les mêmes propositions sont resservies d’année en année.

Si l’IA n’est pas une solution miracle et ne saurait se substituer à l’intelligence humaine et à son expérience, elle est néanmoins capable d’aider un juge à décider des remises en liberté en mesurant le risque de passage à l’acte. Des tests ont notamment montré que cette innovation aurait permis de réduire de 20 % le nombre de crimes par récidive, et ce, pour un même nombre de personnes libérées.

Former notre nouvelle génération

J’entends déjà les marchands de ­mauvaises nouvelles, les éternels pessimistes, les pourfendeurs du progrès qui nous expliquent que la technologie tue nos emplois ! Ce sont les mêmes qui se sont battus contre la machine à vapeur, les mêmes qui se sont opposés à la révolution technologique, les mêmes qui, de peur d’affronter l’avenir, nous ont empêchés d’anticiper la révolution de l’économie collaborative. Nous ne pouvons pas répéter les mêmes erreurs, nous ne pouvons pas créer à nouveau, par manque d’accompagnement et de pédagogie, des conflits entre des industries historiques et de nouveaux acteurs technologiques.

Nous ne pouvons nous permettre de revivre cette bataille d’Hernani qui continue d’opposer les taxis et les VTC, les hôteliers et Airbnb… C’est le devoir du législateur de préparer l’économie et les citoyens aux changements de demain, d’accompagner les entreprises et de créer les conditions juridiques et fiscales d’une concurrence juste et équitable par le biais d’une grande concer­tation entre les acteurs. Dans le cas ­contraire, les politiques légiféreront dans l’urgence et le résultat est connu d’avance : réglementation, taxation et même interdiction.

Nous n’avons pas le droit de manquer ce virage. Il est urgent de former notre nouvelle génération et de la préparer aux emplois de demain en créant de nouveaux programmes dans les universités et les grandes écoles. Nous devons aussi favoriser le partage des données (l’« open data ») tout en garantissant une protection des informations personnelles (le « self data »). Mieux nous saisirons les enjeux de l’intelligence artificielle, moins nous aurons à craindre les risques – bien réels – associés à cette technologie. Soyons vigilants, lucides et nous pourrons envi­sager sereinement notre vie future facilitée par la technologie !